Détention à vie pour les criminels les plus dangereux

L'avant-projet de loi ne concernerait chaque année qu'une dizaine de condamnés susceptibles de récidiver.

DEUX MOIS après l'affaire Francis Évrard, le ministère de la Justice a achevé la préparation d'un texte qui prévoit que les criminels les plus dangereux soient maintenus enfermés après qu'ils eurent purgé leur peine. Cet avant-projet de loi institue la notion de période de « rétention de sûreté » et de « centres socio-médico-judiciaires de sûreté ». « Le texte est actuellement à l'étude au conseil d'État », déclare le porte-parole du ministère Guillaume Didier qui se refuse à toute autre précision à ce stade.

Ce projet, révélé par Aujourd'hui en France, ne s'appliquerait qu'aux personnes condamnées à au moins quinze années de réclusion criminelle pour crimes de sang ou agressions d'enfants. En pratique, il ne concernerait qu'une dizaine de condamnés par an. Soumis à un examen tous les deux ans, les plus dangereux seraient susceptibles de demeurer enfermés à vie.

Cette réforme avait été réclamée au mois d'août dernier à l'issue de la séquestration et du viol à Roubaix du jeune Enis par le pédophile multirécidiviste Francis Évrard. En 2005, la création de Centres fermés de protection sociale avait déjà été préconisée dans un rapport rédigé par l'ancien procureur général de Paris Jean-François Burgelin qui citait les exemples de l'Allemagne et des Pays-Bas. L'importation d'un tel système en France suscite de fortes réserves. « Aujourd'hui, on sait évaluer la dangerosité psychiatrique mais pas la dangerosité criminologique, affirme le président de l'Association des juges de l'application des peines, Michaël Janas. À l'usage, ce type de texte sera extrêmement difficile à manier. Quel professionnel pourra prendre le risque de ne pas miser sur le principe de précaution ? »

«Culpabilité civile»

Provoquant lui aussi des réticences, un autre projet de loi a été préparé par la Chancellerie. Celui-ci concerne les criminels reconnus irresponsables pénalement. Aujourd'hui, quelles que soient les charges à leur encontre, ils bénéficient d'« un non-lieu psychiatrique » en vertu de l'article 122-1 du Code pénal. Leur enfermement ne peut alors relever que d'une mesure administrative : une hospitalisation d'office, décidée par le préfet.

Répondant aux déclarations de Nicolas Sarkozy sur le cas de Romain Dupuy, mis en cause dans le double meurtre de l'hôpital psychiatrique de Pau en 2004, le ministère souhaite ajouter dans la loi la notion d'« arrêt de constatation de culpabilité civile ». Celui-ci serait prononcé devant la chambre de l'instruction en présence du mis en cause, des parties civiles et des experts voire des témoins. Des mesures de sûreté pourraient être prononcées à cette occasion. Juridiquement, cette mesure ne porterait pas atteinte à la notion d'irresponsabilité pénale. Mais, dans sa forme, elle aurait pour effet de permettre de « juger les fous ».